CHAITEN, VILLE FANTOME |
C'est depuis le pont du 'Pincoya', après sept heures de traversée sur une mer couleur mazout, que nous apercevons la ville de Chaitén.
Anéantie, emportée par un nuage de cendres.
La ville a été littéralement applatie par la nature au creux de laquelle les hommes s'étaient fait une petite place. Jusqu'au mois de mai 2008, tout le monde avait oublié que le mont Chaitén était un volcan.
Une profonde plage de sable gris, mélange de cendres, d'eau et de cailloux s'étend entre l'océan et la ville fantôme. Des cadavres de troncs calcinés la jonchent, quelques rapaces décrivent des cercles serrés au dessus de nos têtes.
Nous en oublions de chercher une auberge pour la nuit et nous éloignons du rivage, attirés par la marée grise et les voitures à demi recouvertes par la sinistre matière.
Plus tard, autour d'une partie de cartes, Javier Alejandro nous expliquera que c'est la rivière prenant naissance sur le mont Chaitén qui, se gorgeant de cendres, a débordé de son lit et fondu sur le village en arrachant les maisons, les arbres et les jeux des parcs...
En nous enfoncons plus loin vers la rivière, les maisons sont englouties sous un mètre de sable cendré. Nos pas nous conduisent au niveau des poignées des portes des maisons.
Ce matin, au réveil, même les chevaux en liberté semblent perdus et errent aux abords de la station essence qui vient d'être réimplantée. Sur les 5000 habitants de Chaitén évacués le 2 mai 2008, une poignée est revenue et reconstruit elle même sa ville. Le ravitaillement en eau est parcimonieux: ce sont les cuves sur les toits recueillant l'eau de pluie et la rivière du coin qui alimentent les maisons. L'électricité, quant à elle, fonctionne le soir entre 21h et 23h, en attendant mieux. L'Etat a en effet rechigné longuement à reconstruire le réseau local d'électricité, dans l'éventualité d'une réplique plus violente de l'éruption du Chaitén.
L'air profondément mélancolique et las, notre hôtesse septuagénaire souligne l'ironie de devoir repartir de zéro à son âge, sans garantie, puisque la perspective d'une nouvelle éruption plane.
L'attente intemporelle du bus journalier capricieux et dézingué, qui nous conduira un peu plus loin sur la carretera austral, nous installe dans cette impression étrange d'un village hors du monde et du temps, qui s'échine à renaître de ses cendres.
Article redige par Anne-Laure
Très beau texte Anlo, merci une nouvelle fois à vous trois de nous faire partager ces moments...
RépondreSupprimerbises à tous,
Cha et Tim
Des photos à l'appui de ce très beau texte nous fait (un peu)mesurer l'ampleur du désastre écologique et humain à Chaiten, mais nous confirme aussi la futilité des polémiques politicardes hexagonales actuelles !
RépondreSupprimerProfitez encore et toujours de votrepetittour et prenez bien soin de vous.
MO